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Donner des bonnes cartes aux responsables politiques

Par : Laurent Bossard, Directeur, Club du Sahel et l’Afrique de l’Ouest/ OCDE

21 juin 2022

La géographie décrit les dynamiques naturelles et sociales sur un territoire ; elle rend compte des phénomènes observés par la cartographie. En situant les faits dans l’espace, elle cherche à répondre aux questions « Quoi ?», « Où ?», et – si cela est possible – « Depuis combien de temps ? ». Ces informations permettent ensuite d’aborder d’autres questions importantes comme « Comment ? » et « Pourquoi ? ». Qui à leur tour mènent à l’interrogation finale « Que faire ? ». 

 

La question « où » est essentielle car elle permet de mettre en évidence la diversité. Un même phénomène peut n’avoir ni tout à fait les mêmes causes, ni tout à fait les mêmes effets selon la configuration naturelle et le peuplement du territoire sur lequel il s‘exerce. Dans certains cas, les causes et les effets peuvent être radicalement différents. La prise en compte de cette diversité pour aborder la question « que faire »; c’est-à-dire pour définir et mettre en œuvre les politiques publiques, est essentielle.    

 

La notion d’échelle est tout aussi importante que celle de la diversité. Un Phénomène peut être observer sur un espace de petite taille (grande échelle) ou sur une zone beaucoup plus vaste (petite échelle). La petite échelle permet de comprendre les dynamiques globales et de définir des politiques structurelles, nationales, régionales ou mondiales. La Grande échelle révèle les nuances de la diversité évoquée plus haut; elle permet de mettre en œuvre des stratégies adaptées aux réalités locales. 

 

Depuis plusieurs décennies, le Secrétariat du Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest de l’OCDE (CSAO/OCDE), promeut la géographie au service de la réflexion et de l’action en Afrique. La compréhension des territoires est utile et nécessaire partout dans le monde. Elle l’est un peu plus en Afrique à ce moment de l’Histoire. 

 

L’Afrique est le dernier continent à ne pas avoir achevé sa transition démographique. Sa population doublera encore dans les trois prochaines décennies alors que partout ailleurs le nombre d’habitants augmente faiblement, est stabilisé ou décroit.  Comme ce fut le cas à d’autres époques sur les autres continents, la croissance de la population provoque une modification radicale du peuplement se traduisant notamment par une urbanisation rapide. Elle induit également des mutations profondes, sociales, économiques et politiques ; parfois porteuses de crises et de ruptures. 

 

Gérer la transition démographique est en soi un défi immense. Les autres continents l’ont fait – de façon différente – entre le début du XIX° siècle et la moitié du XX°.  C’est donc au tour du continent africain depuis les années 1950. Mais l’environnement global dans lequel s’exerce cette transition a bien changé. L’Afrique doit composer avec le changement climatique, ce qui n’était pas le cas pour les autres continents. Elle doit également gérer son peuplement sans avoir recours à l’émigration massive ou à la conquête de territoire comme l’a fait l’Europe. Elle doit enfin « faire plus vite et faire plus » car sa croissance démographique est la plus rapide et la plus forte de l’histoire humaine.   

 

En d’autres mots : l’Afrique se transforme vite et fort, elle ne se transforme pas de la même façon dans tous ses territoires et à toutes les échelles. Elle est en proie à des changements de structures traversant tout le continent ainsi qu’à de nombreuses influences globales. Sur ce substrat commun, les réalités locales sont aussi diverses que nombreuses. 

 

C’est pourquoi il faut donner des cartes aux responsables politiques africains et à leurs partenaires. Des cartes décrivant l’Afrique dans le Monde, l’Afrique et ses régions, ses pays, ses localités, ses espaces transfrontaliers ; des cartes des potentiels et des productions, des crises et des menaces, des cartes à toutes les échelles, des cartes perpétuellement renouvelées car les mutations sont permanentes.  

 

C’est dans cet esprit que nous avons créé la nouvelle plateforme du CSAO, Cartographier les transformations territoriales en Afrique (CARTA).